Où écrivez-vous?

J'écris toujours chez moi, dans mon salon. C'est mon environnement personnel. Il n'a rien de "spécial", mais j'y suis à l'aise. Je n'ai pas besoin de me confectionner, comme certains le font -- et je respecte tout à fait cela -- un espace réservé à l'écriture, avec une configuration des meubles et objets bien particulière, fenêtre en face ou dans le dos, ambiance feutrée ou au contraire lumineuse. 

J'ai simplement besoin de solitude pour écrire, je suis incapable d'aligner une phrase si je me trouve au milieu d'autres personnes. Tout au plus, puis-je avoir une idée, je la note immédiatement sur un morceau de papier que je plie en quatre dans mon étui à lunettes pour m'en resservir plus tard, quand je serai seule.


Quand ?

C'est un de mes nombreux problèmes! Je répondrais : "pas autant que j'aimerais pouvoir le faire".

En effet, je ne vis pas de mes écrits et je pense que ce ne sera jamais le cas.

Je suis secrétaire médicale dans un cabinet de radiologie et cette activité — je ne souhaite pas la nommer « métier » parce que ce n’est pas vraiment un choix — m’occupe cinq jours par semaine, + 1 samedi matin sur 4. Si l’on tient compte des autres occupations quotidiennes inhérentes à la tenue d’une maison, il est certain que le temps réservé à l’écriture est très restreint. J’ai un petit avantage néanmoins : mes enfants sont grands, ils ne vivent plus avec moi.

Dans l’état actuel des choses, le weekend reste donc le moment privilégié pour écrire. Enfin, il sera toujours impossible de consacrer 48 heures à l’écriture ces deux jours-là. Mais, en général, le samedi (quand je ne travaille pas le matin) est quasiment immuable. Quant au dimanche, il est écourté pour me permettre de passer du temps avec ma maman âgée.

Les soirées sont des moments où il m’est difficile de plonger dans les aventures de mes personnages. L’esprit n’est pas serein après une journée de travail dans le médical. La fatigue est là, le besoin de détente devant un bon film, une émission intéressante à la TV, ou me plonger dans la lecture d'un bon livre sont aussi mes alternatives au stress journalier. Je suis également avide de lumière naturelle, j'ai besoin de la luminosité du jour pour écrire (j'essaie de me soigner).  Pourtant, ma table reste jonchée de mes notes et mon PC est toujours à portée de main. Il arrive qu’une idée me vienne, même devant un reportage (qui peut d’ailleurs parfois provoquer sa venue). Je me précipite sur un stylo et une page de carnet pour la noter afin de ne pas l’oublier. Parfois, de causes à effets, elle provoque un flot de réflexions qui m’entraîne à allumer mon écran et à retrouver le chapitre en cours pour lequel une modification s’impose et ne peut attendre.


Qu’en ressentez-vous ?

De la frustration pouvant aller jusqu’à un sentiment de malaise et de déprime.

Je sais qu’il m’est impossible de quitter mon travail actuel pour me consacrer entièrement à l’écriture. Ce ne serait pas raisonnable. Mais, à certains moments, cela me pèse vraiment. Lorsqu’un weekend m’a permis d’avancer honorablement dans le déroulement de mon ouvrage en cours, je sens venir le lundi avec appréhension : mon esprit va obligatoirement se détourner de l’écriture pour retrouver l’atmosphère totalement différente du cabinet de radiologie, brisant nette la complicité entretenue avec mes personnages. C’est une sorte de « torture » imposée, incontrôlable et inévitable.

L’arrivée du weekend suivant n’est pas toujours aussi aisée qu’il peut sembler. L’esprit ne parvient pas à se mettre en mode «Ecriture » uniquement parce que le samedi est là. La semaine a quelque peu distillé l’inspiration, amenuisé la complicité, égaré la logique des événements, oublié parfois quelques fils compliqués de l’histoire. Comment reprendre comme si cette semaine n’avait pas existé, comme si le dimanche faisait place à un nouveau samedi où l’écriture pourrait couler à nouveau ? Ce sont des sensations qui me perturbent beaucoup, et m’ont déjà poussée à abandonner le train pour quelques temps. Mais l’écriture me rappelle toujours parce qu’elle est mon moteur de vie. Mais, le boulot est encore plus ardu, parce qu’il faut que je reprenne tout depuis le début, que je relise depuis la première phrase jusqu’à la dernière pour me glisser à nouveau dans mon monde. Perte de temps à nouveau… semaine de travail… weekend…

Alors, parfois, je prends des jours de congé (auxquels j’ai droit légalement, bien sûr…), uniquement destinés à me permettre d’écrire plus assidûment. J’adore cette sensation  d’être vraiment dans mon élément, une semaine entière durant laquelle je me sens uniquement auteure et plus du tout secrétaire médicale. C’est un réel besoin pour moi de m’accorder ces espaces de concentration maximale, pour écrire en pensant simplement à cela. Je me concocte un emploi du temps spécialement conçu pour ces semaines de congé dispersées dans l’année, alliant à la perfection mes heures d’écriture à mes inévitables responsabilités de maîtresse de maison.


Comment écrivez-vous ?

Si vous voulez savoir si je suis plutôt stylo ou clavier, je répondrai : les deux.

Je commence toujours par prendre des notes à la main, pour définir le sujet de départ et le point d’arrivée, pour tracer les premiers contours de mes premiers personnages, et définir la base des premières actions et problèmes.

Ce sont des phrases ou des mots, un livre c’est d’abord l’idée d’une histoire pour moi, ou un sujet. C’est souvent l’envie d’associer deux thèmes qui vont, soit agir ensemble, soit se confronter. Peu à peu, l’idée se construit dans mon esprit, la vision générale de l’histoire.

Alors, j’ouvre mon PC et crée un nouveau dossier qui aura pour titre, le titre provisoire de mon ouvrage. Dans ce dossier, je crée différents fichiers  qui vont me permettre d’y mettre ce dont j’aurai besoin. Notamment, si mon histoire nécessite des connaissances particulières, historiques, scientifiques, géographiques, biographiques, je vais me procurer les livres qui me seront utiles et vais parcourir Internet à la recherche des données qui me seront indispensables et je les enregistre dans un fichier "recherches". De la même manière, je vais créer un fichier « personnages » où je vais pouvoir nommer et composer chacun d’eux, tels que je les imagine au début, ajoutant  leurs traits de caractère, physiques ou psychologiques, l’évolution de leur condition au fur et à mesure  de la nécessité de l’histoire, un fichier « synopsis»… etc… 

Enfin, le fichier « rédaction » qui va me rester fidèle jusqu'à la fin. J’aime savoir quelles taille et forme aura mon livre, c’est pourquoi je formate immédiatement ce fichier Word à la taille «habituelle » des livres "brochés" (A5 : 14.8cm x 21cm). Ainsi, les pages écrites sont numérotées de la même manière qu’elles le seront à la publication. Cela m’aide à savoir où j’en suis. En effet, mes ouvrages sont généralement un peu longs (420 pages pour le 1er, 506 pour le 2e, 386 -seulement- pour le 3e) et il me faut une certaine limite à « essayer » de ne pas dépasser.

Mais, je garde toujours un carnet près de moi, même sur ma table de nuit, avec un style à portée de main. Dès qu’une idée me vient, pour le déroulement d’une action, le changement d’un point qui me chagrinait, ou un dialogue particulier qui me vient en tête, j’ai ainsi le moyen de l’écrire même quand mon PC est fermé.

Voilà, tout est en route… et on croise les doigts pour arriver au bout, si possible sans encombre et surtout en bonne logique.


C’est votre manière de commencer. Mais, ensuite ?

C’est beaucoup plus tard, quand la rédaction est bien avancée (en général, pas avant les 150 premières pages), que je crée un nouveau fichier, très important : « Notes pour la logique du récit ». Vous comprendrez aisément qu’il me sert à reprendre mon ouvrage depuis le début afin de vérifier qu’il se tient, que l’histoire est logique et que les personnages ne changent pas de personnalité en cours de route (tout en tenant compte du fait que, selon le déroulement de l’histoire, cela peut être possible, mais en toute logique bien sûr). J’y consigne souvent des émargements pour apporter des corrections ici, ajouter un développement là avec de nouvelles données, retirer un paragraphe qui n’a pas sa place ou le modifier parce que la situation n’est pas logique. Il me sert aussi à poser des questions (comme le ferait peut-être un lecteur) lorsque je termine la lecture d’un chapitre, ce qui me permet de résoudre un problème posé dans un chapitre plus loin en tenant compte de ces interrogations.

Ce fichier-ci, je le décline aussi en « fiches », une fiche par personnage (être humain, animal ou objet), par action et par chapitre. Une fiche personnage (pour ma part), c’est un résumé du caractère général, sa fiche d’identité, son passé, son histoire, son aspect physique, ses tics peut-être, qui il était au début de l’histoire, la motivation qui le fait avancer dans l’histoire et enfin son évolution au cours de l’histoire. Pour chaque chapitre, un résumé de quelques lignes, nombre de pages, son évolution (ajout de nouvelles données ou nouveau personnage, action qui monte ou action qui se résout), données utiles et celles jugées inutiles, et modifications à lui apporter…

Parallèlement à cela, je dessine — sur de vraies feuilles de papier — un grand schéma, une sorte de « diagramme d’activités » où je conceptualise le début de l’histoire, son évolution avec ses différentes actions entraînant ses résultats positifs et ses problèmes, les associations de personnages, les conflits entre eux …etc.

Je les consulte très régulièrement jusqu’à la fin de l’écriture du livre, ajoutant, retirant, modifiant tout ce qui me semble nécessaire. Pour moi, c’est essentiel pour ne pas oublier de résoudre le moindre petit problème incrusté à un moment ou à un autre dans l’histoire, tout doit être résolu (En général, même pour une histoire en deux tomes, je pense qu’il est préférable de résoudre tous les problèmes et conflits dans le 1 ; seul un problème se faufile dans le 2 pour en provoquer d’autres ; dans le tome 2, on peut parler de certaines choses qui existent dans le 1, comme les personnages récurrents, leur passé etc, mais il est préférable de ne pas l’utiliser pour résoudre TOUTES les questions du 1). Le dessin m'est nécessaire pour visualiser le rythme de l’histoire et son équilibre du début à la fin.

Ces étapes peuvent paraître longues, c’est vrai. Mais il se trouve que c’est la première fois que je procède ainsi. Pour mon ouvrage en cours, « Les Gardiens du Sceau », cette manière de travailler m’est apparue inévitable. Expérimenter est toujours utile pour progresser. Mes premiers romans ont été écrits sans réel plan que celui d’avoir un début et une fin auxquelles j’étais attachée. Si j’ai eu la chance d’écrire rapidement le premier tome (moins de six mois), l’histoire entière était dans ma tête, seuls les détails se sont enchaînés d’eux-mêmes au fur et à mesure que de la rédaction, les personnages prenaient les rênes de leurs aventures.  C’est en arrivant à la dernière page que j’ai ressenti la nécessité d’écrire un tome II, parce que j’étais triste (j’ai même pleuré, c’est vrai) de quitter mes personnages. Ainsi, en une nuit (oui, cette fois-ci, j'y ai passé la nuit, et je travaillais le lendemain!), j’avais totalement modifié mon dernier chapitre pour laisser un problème en suspens et tirer les premières lignes du second livre. Le tome II a été écrit plus ou moins de la même manière. Connaissant mes personnages, il était facile de continuer. Je me rends compte aujourd’hui, qu’il n’y avait que très peu de nouveaux personnages, mes lecteurs n'ont pas trouvé cela gênant.

Cependant, mon nouvel ouvrage est totalement différent de ceux-ci, parce qu’il se situe à l’époque actuelle et qu’il doit se référer à de nombreuses données historiques et scientifiques. Il est donc impossible d’échapper au plan et je ressens cette nécessité comme un fil d’Ariane que je ne lâcherai pas. C’est mon évolution et mon apprentissage personnels.

Cette méticulosité me permet d’espérer que mon ouvrage suscitera l’intérêt de mes potentiels futurs lecteurs.


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